#Actualité

53 jours autour du monde : Thomas Coville au bout de l’effort !

C’est jeudi à la mi-journée que Thomas Coville est attendu à Brest pour, si tout va bien, prendre la deuxième place de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, un peu plus de deux jours après le vainqueur, Charles Caudrelier. Aujourd’hui au classement de 19h, il lui restait 440 milles à parcourir avant de rallier la Cité du Ponant. A la veille de boucler son neuvième tour du monde, le cinquième en solitaire, le premier en mode « volant », retour sur les 53 jours de mer du skipper de Sodebo Ultim 3.

 

Atlantique Nord : « Une semaine très dense »

Les premiers jours de l’Arkea Ultim Challenge-Brest, dont le départ est donné le 7 janvier à 13h30 dans des conditions idéales (brise de nord-est d’une dizaine de nœuds, grand soleil), sont plutôt cléments pour les six pionniers en lice, leur permettant de rentrer dans la course sereinement, même si, d’entrée, le rythme est particulièrement soutenu en tête.

Le premier obstacle météo arrive après un peu plus de trois jours sous la forme d’un gros coup de vent après Madère que Thomas Coville choisit d’aborder prudemment pour préserver sa monture. « Ce fameux passage de front, on l’appréhendait tous, on savait qu’on allait prendre 30-35 nœuds, finalement, j’ai eu 45 nœuds, avec une mer forte, commente-t-il alors. Peut-être que je l’avais trop en tête, parce que je l’ai raté, je me suis fait surprendre par une rotation, ça m’a coûté beaucoup de milles. Devant, ils (Tom Laperche et Charles Caudrelier) ont réussi à passer dans le bon timing et à prendre la poudre d’escampette avec une petite centaine de milles d’avance. »

Rien de rédhibitoire cependant pour le skipper de Sodebo Ultim 3 qui franchit l’équateur en quatrième position et, déjà, au contact avec Armel Le Cléac’h, le dimanche 14 janvier à 9h36, après 6 jours 20 heures et 6 minutes. « C’était une semaine très dense, une descente de l’Atlantique Nord atypique, physiquement très engagée. C’est incroyable de vivre cette course planétaire sur des engins pareils », ajoute-t-il.

 

Atlantique Sud : premier gros pépin

Après 13 jours 13 heures et 48 minutes, Thomas Coville franchit à la deuxième place la longitude du Cap de Bonne-Espérance dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 janvier (à 3h18), avant d’entrer dans l’océan Indien, au niveau du Cap des Aiguilles, moins de trois heures plus tard. « Cela fait deux semaines qu’on a pris le départ et il s’est passé beaucoup de choses ! Il faut beaucoup d’énergie pour être ici. Le Cap de Bonne-Espérance porte bien son nom : on espère que ça va bien se passer ! La suite, vous ne la connaissez pas, l’imaginaire est dépassé. » Le skipper révèle au passage la casse du système de descente du foil tribord de Sodebo Ultim 3. « Ce n’est pas une avarie structurelle ou un problème majeur, mais pour le moment, je suis handicapé sur un bord. »

Pas de quoi cependant gâcher son plaisir de retrouver les mers du Sud : « S’aventurer ici avec un bateau volant comme Sodebo Ultim 3, c’était un rêve et on est – avec les autres marins – en train de faire quelque chose d’unique, c’est la première fois. C’est un endroit du monde qui n’appartient pas à l’homme, dans lequel on est juste toléré. Ce moment, c’est un engagement, tu ne peux plus faire marche arrière, tu rentres dans le vif du sujet, le Grand Sud va t’accompagner jusqu’au Cap Horn. »

 

Crédit photo : Vincent Curutchet – Sodebo Voile

 

Les mers du Sud : Arrêt en Tasmanie, le Horn, « Cap de Bonne-Délivrance »

L’Indien est fidèle à sa réputation d’océan hostile pour Thomas Coville qui, positionné à l’arrière d’un front, y rencontre des conditions difficiles et passe de nombreuses heures à tenter de réparer son système de descente de foil défectueux. « On a beaucoup subi, avec les problèmes techniques pénalisants pour arriver à rester devant les fronts, donc on s’est retrouvés derrière avec de la mer formée, raconte-t-il au moment de franchir le Cap Leeuwin, au sud-ouest de l’Australie, le lundi 29 janvier à 1h36, après 21 jours 12 heures 6 minutes. Et je me suis surtout attelé à une tâche qui, sur le papier, était infaisable, celle de réparer manuellement le fonctionnement de descente des foils. Ça m’a pris plusieurs jours, il a fallu faire sans cesse des allers-retours dans le flotteur, mettre les mains dans des endroits où il ne faut pas les mettre normalement, pour finalement réussir à utiliser de nouveau mes foils. »

Le lendemain, le skipper prend la décision, en concertation avec son équipe technique, de s’arrêter à Hobart (sud-est de l’Australie) pour résoudre plusieurs problèmes techniques accumulés depuis l’entrée dans l’Indien. Les conditions météo très violentes attendues entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande ont renforcé cette décision pour réparer notamment le balcon et le filet avant menaçant sa sécurité lors des manœuvres. Arrivé à Hobart le 31 janvier, il en repart le 2 février après 2 jours 2 heures et 39 minutes d’une escale dont a tiré profit le Team Sodebo pour résoudre définitivement le problème de descente des foils.

Place au Pacifique, « l’océan papier de verre » parce qu’il use marins et bateaux, que Thomas Coville attaque en troisième position derrière Charles Caudrelier et Armel Le Cléac’h et qu’il quitte dans la nuit de dimanche 11 au lundi 12 février en franchissant le Cap Horn, pour la dixième fois de sa carrière, après 35 jours 12 heures et 10 minutes. « Me voilà au Cap Horn, l’endroit le plus fascinant de la planète pour un marin. Je l’ai passé plusieurs fois, en solitaire, en équipage, en multicoque, en monocoque, certains disaient qu’on avait le droit à une boucle d’oreille, j’aurais l’air malin avec dix boucles d’oreille ! », sourit-il. Et il ajoute : « Je l’ai souvent surnommé le « cap de Bonne-Délivrance », parce que c’est un soulagement de rentrer dans des zones où il y a un peu plus de trafic, c’est moins la panique que quand on est loin de tout. »

Crédit photo : Vincent Curutchet

Remontée de l’Atlantique : la deuxième place lui tend les bras

La remontée de l’Atlantique Sud, comme souvent dans cette zone compliquée d’un point de vue météo, s’avère assez fastidieuse pour Thomas Coville qui confie au large du Brésil : « C’est très instable. L’Atlantique Sud, que ça soit à l’aller ou au retour, est toujours un endroit capricieux. Il faut beaucoup d’énergie et de concentration pour naviguer dans du petit temps. »

Comme dans l’Atlantique Nord, l’Indien et le Pacifique, il se retrouve à la lutte avec Armel Le Cléac’h, qui l’a devancé de quelques heures au Cap Horn. Ce qui lui fait dire : « J’avais envie de cette compétition, je voulais être en confrontation, et là, je me retrouve de nouveau avec Armel Le Cléac’h, qui est entre 250 et 450 milles devant moi. On a fait tout le Pacifique en se tirant la bourre, c’est un privilège et une vraie satisfaction de me bagarrer avec Armel, vainqueur du Vendée Globe (2016), il est pour moi une référence. On est un peu dans la même course, avec nos déboires techniques qui nous ont coupé les ailes sportivement à plusieurs moments, mais avec aussi la hargne et l’envie d’en découdre. »

Les déboires techniques continuent d’ailleurs pour Armel le Cléac’h, contraint de s’arrêter une deuxième fois sur ce tour du monde, à Rio de Janeiro, à cause d’une double avarie de safrans. Désormais solidement installé à la deuxième place, le skipper de Sodebo Ultim 3 doit quant à lui encore négocier une traversée de Pot-au-Noir particulièrement difficile. Repassé dans l’hémisphère Nord le 22 février à 16h30, après 45 jours et 3 heures de course, il raconte : « Ce passage du Pot-au-Noir aura été très long et fastidieux, il remontait avec moi dans le nord, j’avais l’impression que les efforts et la débauche d’énergie que je faisais pour manœuvrer afin de passer chaque grain et chaque nuage ne servaient à rien. »

Peu à peu, les alizés de l’hémisphère Nord se font cependant sentir dans les voiles de Sodebo Ultim 3, offrant à son skipper des instants de glisse et de félicité pendant qu’il contourne par l’ouest l’anticyclone des Açores. Ce qui le contraint à considérablement rallonger la route et ce n’est que le mardi 27 février qu’il peut enfin pointer les étraves de Sodebo Ultim 3 vers Brest pour « la dernière ligne droite », saluant au passage d’un « Well done Charly ! » la victoire le même jour de Charles Caudrelier. Deux jours plus tard, le jeudi 29 février, c’est lui qui est attendu à Brest, après environ 53 jours d’une magnifique épopée sportive et humaine.

Nos articles similaires